lundi 24 novembre 2014

La sorcière du Roussillon

Que l'on soit dans le Roussillon ou ailleurs, tous les contes commencent par : Il était une fois...

Il était une fois à Narbonne, une jeune fille, plus belle que le jour, et plus belle que les astres.

Elle luisait comme le soleil. On l'avait surnommée "la jeune fille du faubourg", car elle résidait hors des remparts.

Tous la demandaient en mariage, mais elle répondait inlassablement : "je suis trop jeune pour me marier, je ne peux point".

Un jour, un jeune homme, beau, riche, qui avait ouï parler de cette magnifique créature, se présenta à elle, et la demanda en mariage. Cette dernière accepta.

Tout fut parfait pendant la cérémonie. Mais fait étrange, cela ne faisait pas un mois qu'ils étaient mariés, que l'homme se réveillait au beau milieu de la nuit et qu'il se retrouvait seul dans le lit. Il interrogea donc sa femme :
"- Pourquoi te lèves-tu chaque nuit ?
- Je ne sais pas, je suis sans doute somnambule."

Le mari ne dit rien, mais se méfia grandement, car depuis son mariage, il avait le sommeil plus lourd et il suspectait sa femme de lui donner un breuvage durant le repas, d'autant plus qu'il ne la voyait jamais manger.

Il décida alors, un soir, de ne pas boire le verre d'eau qui contenait le supposé breuvage, et d'observer sa femme par la suite. Le soir, tout se passa comme il l'avait prévu : sa femme lui servit le repas, accompagné d'un verre d'eau, qu'il fit semblant de boire ; puis ils allèrent se coucher.

Il fit ensuite tout aussi semblant de dormir, et commença à ronfler. Sa femme, rassurée, se leva, s'habilla à la hâte, et… se mit à califourchon sur un balai !

Son mari, qui l'épiait, n'en croyait pas ses yeux. Une femme aussi belle, une sorcière ! Il décida de la suivre.

Se levant d'un bond, il se précipita derrière elle et courut voir où elle pouvait aller, surtout si tard.

Il arriva au cimetière, et ce qu'il vit le glaça d'horreur. Là, des sorcières, par dizaines, dansant autour d'une tombe creusée et qui se disputaient des morceaux de chair du cadavre.

Ecœuré, l'homme rentra chez lui et se recoucha. Quelques heures après, sa femme rentra.

Le repas suivant, lorsque sa femme ne prit qu'un seul verre d'eau, il cria :
"- C'est donc ça ! Sorcière, tu te nourris de cadavres, et tu n'as plus faim par la suite. Je comprends tout maintenant.
- Qui te l'a dit ?
- Personne ! Je l'ai vu de mes yeux, de mes propres yeux !
- Et bien tu ne verras plus jamais avec tes yeux d'humain."

Elle sortit un breuvage et le lança à son mari : "Que tu sois chien" et le malheureux fut changé en chien, mais seulement en apparence, car il gardait l'intelligence dont il était doté.

Sa femme le chassa de chez lui. Il essaya d'aller chez des amis, mais tous ne voyaient qu'un chien errant, et partout il recevait le même accueil : "Va t'en sale bête !".

Il arriva alors devant la porte d'une boulangerie. Quand la boulangère le vit, elle eut pitié de ce chien, et le recueillit tout de suite. Elle était très contente, car elle en voulait un pareil pour garder sa maison. De plus, au fil du temps, elle s'apercevait de l'intelligence du chien. Quand on lui disait "Ferme la porte", il la fermait.

Un jour, quelqu'un vint acheter du pain, mais paya en fausse monnaie. La boulangère, qui n'était pas incrédule, refusa la monnaie, mais le payeur certifia que l'argent était vrai.

"- Je vais appeler mon chien, il décidera. S'il accepte ta pièce, alors d'accord, je la prends. Mais dans le cas contraire, je ne la prends pas."

Le chien fut appelé, il soupesa la pièce, la retourna, la regarda, et finalement, d'un geste, la reposa sur le comptoir en secouant la tête d'un geste négatif.

Une vielle femme, qui passait par là et qui avait assisté à toute la scène, dit à la boulangère : "ce n'est pas possible, ton chien est bien trop intelligent pour être un animal. A mon avis, c'est un homme qui a été possédé. Je vais le transformer à sa forme initiale."

Et joignant le geste à la parole, elle sortit une fiole, en arrosa le chien, en disant : "Que tu sois homme."

Aussitôt, le chien se transforma en homme, et celui-ci se releva, et remercia cette brave femme de tout ce qu'elle avait fait pour lui.

"Ne perds pas de temps, mon ami, et prends plutôt cette fiole car ta femme peut te retrouver et te retransformer en je ne sais quoi. Alors profite de l'effet de surprise, et à toi de jouer."

Il prit donc la fiole qu'elle lui tendait, et rentra chez lui. Mais il attendit qu'elle rentrât de son macabre repas, et quand elle se fut couchée, il rentra doucement dans la maison, jeta le contenu de la fiole sur elle en disant ces paroles :

"Que tu sois rosse !"

Et la sorcière se transforma sur le champ en une rosse, puis il la chassa.

Depuis, elle est condamnée à travailler sans relâche pour les Hommes.

Le Pérégriniste

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