Voilà une légende que je vais vous conter, mais en mélangeant français et occitan.
Vous y découvrirez des paysages magnifiques prêts à vous faire perdre la tête, alors n'hésitez pas, et venez faire un tour dans le Roussillon. Peut-être y entendrez-vous la légende de cet homme, et là, totalement en occitan avec cet accent si chantant !
Vous y découvrirez des paysages magnifiques prêts à vous faire perdre la tête, alors n'hésitez pas, et venez faire un tour dans le Roussillon. Peut-être y entendrez-vous la légende de cet homme, et là, totalement en occitan avec cet accent si chantant !
A Montclar, vivait une famille très pauvre, tellement pauvre qu'elle était
destinée à la mendicité. Le père, Jean-Baptiste, la mère et la fille de dix-sept
ans, composaient cette infortunée famille.
Un jour, le père, n'y tenant plus, dit à sa femme :
- N'ai un sadolh ! Van anar à la vila, veire se una bona ama pod nos traire d'aqui.
(J'en ai assez ! Je vais aller à la ville voir si une bonne âme peut nous tirer
de là.)
- Vas i. (Vas-y) répondit-elle.
Il partit très tôt le lendemain matin, car de Montclar à la ville, il lui
fallait parcourir un long trajet, et surtout passer par le Pas de la Lagaste qui
n'avait pas bonne réputation.
D'ailleurs, à ce niveau, comme le jour venait juste de poindre, il vit une ombre
passer à côté de lui. Il s'apprêtait à la doubler quand l'inconnu lui fit face
et lui dit en ces termes :
- Adessiatz l'amic ! Semblatz pressat ? (Hé bonjour, l'ami ! Vous semblez pressé
?)
Cet inconnu semblait de bonne foi, mais un je-ne-sais-quoi de maléfique brillait
dans ses yeux et fascinait le Jean-Baptiste.
- E oc! (Eh oui) répondit-il.
Et Jean-Baptiste se mit à raconter tous ses malheurs, et toute la pauvreté qui
touchait sa famille. L'inconnu dit alors :
- Vesi que siatz un brave ome, e voli vous tirer de pena. (Je vois que vous êtes
un brave homme, et je veux vous tirer d'embarras.)
- Senhors Jesus s'era possible. (Seigneur Jésus, si c'était possible !)
- Anetz pas plus leng, prenetz aquel saquet, e tornatz vos à l'ostal. (Allons,
n'allez pas plus loin, prenez ce petit sac, et revenez à la maison.)
- E que vos balhairai? (Et que vous donnerai-je ?) demanda le Jean-Baptiste
- Voli pas grand causa ; tenetz ço qu'abetz ara darrer la porta. (Je ne veux pas
grand-chose, tenez, ce qui se trouve en ce moment derrière la porte.)
- Entendu ! répondit-il. Car il n'y avait jamais qu'un vieux balai ou une pelle.
Jean-Baptiste rentra chez lui tout content, mais avec un léger doute. Cependant
le sac rempli d'argent suffit à lui faire oublier tous ses soucis.
En rentrant, il vit sa femme effrayée qui lui demanda :
- Tormas plan lèu, es qu'as trapat quicom? (Tu reviens bien tôt, est-ce que tu
as trouvé quelque chose ?)
Et il lui montra le sachet en lui racontant cette étrange rencontre.
- E qu'una ora èra? (Et quelle heure était-il ?)
- Debia esser sieis oras en quart. (Il devait être six heures et quart.)
- Maluros ! As vendut la drolla. (Malheureux ! Tu as vendu la fille!)
- Vendut la drolla ? E cossi ? (Vendu la fille ? Et pourquoi ?)
Et la femme raconta qu'à cette heure-là, la fille se trouvait derrière la porte,
et qu'un vent violent l'avait brusquement ouverte. La jeune fille avait alors
changé de visage, et refusait de parler, et insultait tout le monde, elle si
gentille auparavant.
Le père alla voir le curé de la paroisse, et lui conta tout. Ce brave curé lui
répondit alors:
- Pensi qu'abetz vendut vostra drola al diable. L'anirai veser. (Je pense que
vous avez vendu votre fille au diable. J'irai la voir.)
Mais la jeune fille ne voulut pas le voir et avait des imprécations contre tout
et tous. Alors le curé, en désespoir de cause, dit aux parents :
- Domenge que ven es Pascas ; so voletz ensajarai debotta do dolent esperit fora
de la drolla ; mas me caldria dos autres omes per m'ajudar, e pas dos pauruts.
(Dimanche prochain c'est Pâques ; si vous voulez, j'essayerai de jeter le
mauvais esprit hors de votre fille, mais il me faudrait deux hommes, et pas deux
poltrons.)
- Dius vos ausiga! (Dieu vous entende !) répondit le père.
Et le matin de Pâques, le curé se rendit à la maison du Jean-Baptiste, avec les
deux hommes et une grosse jarre d'eau bénite. La maison avait les volets clos.
Le curé aspergea de l'eau bénite en récitant la formule :
- Vade retro Satanas! (Arrière, Satan !)
Et là, il y eut un grand fracas, les volets s'ouvrirent, et une voix répondit :
- Sioi Pas encara partit. (Je ne suis pas encore parti.)
Ce à quoi le curé répondit finement :
- Vos passar per la porta, o per la finestra? (Tu veux passer par la porte ou
par la fenêtre?)
Et une forme, tenant du bouc, du loup, du bélier, s'engouffra hors de la maison,
et partit vers la forêt.
A ce moment précis, la fille redevint normale.
Le Pérégriniste
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire